Fiction

Are you not Nigerian ?

Inspiré de faits réels

9/04/2025

Elle pensait échapper à un petit ami toxique et à une mère autoritaire lorsqu'elle est arrivée à Jalingo pour son service national. Mais entre la discipline militaire du camp, la menace imminente de la violence et les rencontres inattendues, une autre question se pose : commence et où finit son pays ?

 Personne ne voulait venir ici — croyez-moi, j’ai demandé. Tous ceux qui ont été envoyés au camp de Jalingo espéraient plutôt tomber sur Abuja, Port Harcourt, Lagos ou Calabar. De grandes villes, pleines de promesses pour un jeune diplômé après une année de service national. Et si vous ne faites pas le Service, oubliez l’idée de travailler au Nigeria. Vous pouvez être l’enfant d’un politicien corrompu et partir étudier sur la lune, mais si vous voulez faire quoi que ce soit dans ce pays — même vous présenter à une élection — il faut d’abord revenir, vous pointer au camp où vous avez été affecté, et enfiler l’uniforme kaki pour un an.

Depuis l’obtention de mon diplôme, mes meilleures amies de Lagos n’ont cessé de me demander pourquoi je ne suis pas simplement allée rejoindre ma mère à Yaoundé, puisque le Cameroun n’a pas de service national obligatoire. Je leur ai dit que c’était parce qu’elle ne m’avait jamais appris le français, et si vous ne parlez pas français dans un pays francophone, les gens se vexent. Mais la vraie raison pour laquelle je ne suis pas partie la rejoindre est plus profonde. Disons juste qu’on se dispute. Tout le temps.

Elle pensait que je lui faisais la guerre le jour où j’ai choisi de rester vivre avec mon père au Nigeria après le divorce. Et elle n’a jamais compris pourquoi j’étudiais le théâtre. Quand je lui ai envoyé des photos de mon copain, elle ne l’a pas aimé — sa barbe, selon elle, ne ressemblait pas à celle d’un homme qui allait réussir. Alors je n’ai pas été surprise le mois dernier quand elle a désapprouvé mon inscription au service national. Pourquoi je ne venais pas simplement à Yaoundé pour vivre avec elle ? Je lui ai répondu : « Mais maman, tu dis non à tout ce que je choisis. »

— Alors au moins, laisse ton père utiliser ses relations pour que tu sois affectée dans un endroit plus sûr. Si tu vas sacrifier un an de ta vie pour ce pays, profite de tout ce que tu peux, où que ce soit.

J’aurais dû l’écouter.

Même mon père, qui a tout fait pour que je vive l’expérience nigériane authentique, trouvait que venir ici, c’était exagéré. Il a planqué des liasses de billets dans mes bagages et affrété un taxi qui m’a conduite pendant sept heures sur des routes défoncées jusqu’à ce camp.

La vraie raison, secrète, pour laquelle je suis venue ici, c’est que j’avais besoin de mettre de la distance entre moi et Tunji, mon copain. Je ne me fais pas confiance quand je suis dans la même ville que lui. La dernière fois que je l’ai surpris en train de me tromper, il m’a dit qu’il était en dépression. Tunji couche avec d’autres femmes pour, je cite, chasser ses démons. Quand je lui ai demandé pourquoi il ne pouvait pas les chasser avec moi, il m’a regardée comme si je venais de lui demander de lécher ses chaussures, et il m’a dit :

— Je te respecte et t’honore trop pour ça.

Toutes mes amies ont arrêté de me parler à cause de Tunji. Je ne peux même pas en parler à ma mère — elle prendrait le premier vol pour Lagos et le tuerait. Je sais que je ne devrais pas répéter le schéma familial. Elle a quitté mon père pour infidélité alors qu’elle était enceinte de moi.

Mais je revenais toujours vers Tunji. Parce que quand il est gentil, vraiment gentil, il est l’homme parfait. Il ne m’a jamais crié dessus. Le sexe est bon. Il me lit des poèmes d’amour qu’il trouve en ligne.

Je peux lui pardonner et tourner la page, mais je ne sais plus où s’arrêtent ses problèmes de santé mentale et où commence son comportement toxique.

J’ai besoin de cet espace pour réfléchir à ce que je ressens vraiment. Et après ces trois semaines de camp, je demanderai à être réaffectée à Lagos. Il m’a promis qu’il m’y attendrait.

Le matin après mon arrivée, les soldats ont fait irruption dans les dortoirs en hurlant et en sifflant comme si on était des prisonnières. Ce sont eux qui maintiennent l’ordre ici, et on le sent dès qu’on passe la grille. J’avais à peine fini de me laver ce matin-là, mais ils s’en fichaient complètement. J’ai dû m’enrouler dans une serviette et suivre les autres filles dans l’obscurité de l’aube. Je pestais entre mes dents, j’essayais de jurer sans bruit, mais j’étais quand même mieux lotie que celles qui ont été tirées du sommeil. Très peu étaient prêtes — elles ajustaient leurs t-shirts et leurs shorts blancs devant nous, avec leurs visages encore à moitié endormis, comme des fantômes sans corps flottant devant nous, derrière les soldats, vers une destination inconnue.

J’étais furieuse tout le long de la marche. J’avais hâte d’appeler ma mère pour lui raconter tout ça.

On s’est arrêtées sur un terrain vague où régnait un début de confusion : quelqu’un disait qu’on devait former un petit cercle, une autre insistait que c’était un carré.

Et là, une voix a retenti dans le noir :

— Formez un grand U !

Alors on a formé un immense « U », et il est entré dans notre cercle, brandissant une lampe torche gigantesque.

— Cafards noirs ! a-t-il crié. Venez de ce côté !

Il a pointé la main libre vers la gauche. On ne comprenait pas. C’était qui, les cafards ?

— Cafards blancs ! a-t-il hurlé à nouveau.

Et là, à ma grande surprise, la moitié d’entre nous a répondu en chœur :

— Mon commandant !

— Séparez-vous des cafards noirs.

En moins d’une minute, tous ceux qui portaient le t-shirt et le short blancs se sont écartés, jusqu’à ce qu’on se retrouve, nous autres, de l’autre côté. Les cafards blancs étaient arrivés la veille au camp et avaient déjà reçu leur kit du service national, donc ils étaient habillés correctement. Ceux en tenue décontractée, comme moi, ont été avertis : il fallait aller récupérer notre équipement dès que les officiers concernés seraient de retour plus tard dans la journée.

Le commandant a bien précisé que c’était la dernière fois qu’on apparaîtrait devant lui comme des cafards noirs.

Le commandant a ensuite commencé à nous éclairer sur la conduite à adopter sur le terrain de parade. Il nous a expliqué que personne n’était entré dans ce camp avec l’identité qu’il ou elle portait en quittant la maison : à partir de maintenant, nous étions ses chers cafards. Quelques-unes d’entre nous ont grogné, et c’est là qu’il nous a promis une heure accroupies au sol. Je pensais qu’il plaisantait. Croyez-moi : s’accroupir a été la chose la moins pénible qu’on ait eue à faire pendant ces trois semaines.
On avait des entraînements avec les soldats — escalader des filets, sauter à travers des cerceaux, mon Dieu. Et puis la marche, le jogging, le transport de chaises de la salle d’assemblée au terrain de compétition, puis à la chapelle du camp. Je savais que ma mère allait crier en me voyant amaigrie.

Peut-être que c’est le fait d’être enfermé entre ces murs, à l’écart du monde extérieur, mais très vite, presque tout le monde tombait dans une forme d’amour temporaire. Un amour qui ne nécessitait ni passé, ni futur.

Au camp, ton corps ne t’appartient plus. Sur le terrain, on te pousse, on te tire, on t’agrippe comme soutien — par des gens que tu n’as jamais vus de ta vie. Mais il se passait aussi des choses intéressantes. Tu pouvais croiser ton double exact dans un autre peloton. Tu pouvais te laisser distraire par les concours de danse, la fanfare, et oublier d’appeler ton copain. Dès la deuxième semaine, tu pouvais tomber amoureux.

Pas moi. Je parle des autres. Peut-être que c’est le fait d’être enfermé entre ces murs, à l’écart du monde extérieur, mais très vite, presque tout le monde tombait dans une forme d’amour temporaire. Un amour qui ne nécessitait ni passé, ni futur. Ils ne s’intéressaient pas à qui l’autre avait été avant le camp, ni à où il serait envoyé après. Si vous voulez mon avis, c’était dangereux. Le cœur est une chose trop tendre. Mais moi, j’avais Tunji, quelque part là-bas, même si je ne savais plus trop quoi penser de lui.
Je me forçais à penser à lui chaque fois que je courais à côté du seul garçon mignon de mon peloton qui n’avait pas encore choisi une fille. Tunji était plus beau que ce gars, non ? Je suis allée vérifier ses photos sur mon téléphone. Et j’ai senti la déception me frapper. Tunji faisait partie de ces gens qui rendent mieux en vrai.
Ce garçon, lui, était si noir que je le distinguais à peine pendant nos rassemblements matinaux, mais ses dents, elles, étaient blanches comme ce croissant de lune qui flottait encore au-dessus de nous. Et quand le soleil se levait, il devenait presque doré, et moi je…

Bref. Camp.
Différentes ONG venaient nous parler d’orientation professionnelle. Certaines proposaient des formations, comme apprendre à fabriquer des chaussures. Il fallait choisir un groupe.
Expliquez-moi pourquoi j’ai dû me retrouver juste à côté de ce garçon, dans la salle d’assemblée, avec une vingtaine d’autres personnes qui n’avaient pas encore trouvé de groupe ? J’ai vite détourné la tête, me suis concentrée sur le Directeur du Camp qui présentait la dernière ONG invitée.

— Ces enfants, hurlait l’homme dans son mégaphone, se sont battus pour être ici. Applaudissons les Leaders de Demain, nos merveilleux invités, qui ont pris le temps d’amener ces petits ambassadeurs.

J’ai joint mes mains au tonnerre d’applaudissements, en essayant de rattraper ce que j’avais manqué. Les Leaders de Demain étaient une ONG qui sélectionnait des élèves de zones dites moins favorisées pour attendrir les corpers et les convaincre de rester servir l’année entière après les trois semaines de camp. Quatre enfants, enfin adolescents, sont montés sur le podium pour chanter les hymnes de leurs lycées. D’autres ont dansé des danses traditionnelles de tribus dont je ne pouvais même pas prononcer le nom.
Quand l’un d’eux a lancé une culbute spectaculaire, j’ai surpris le garçon que j’évitais en train de sourire. Quelque chose d’autre a déclenché un éclat de rire chez lui. Il avait des dents énormes qui brillaient contre sa peau sombre. Il s’était un peu éloigné, je ne pouvais pas entendre son rire.

— Et nous avons notre première volontaire ! annonça le directeur du camp. Applaudissez-la !
Tout le monde s’est tourné vers moi pour applaudir. Vous imaginez ! J’avais envie que le sol m’avale. Volontaire pour quoi ?
Tous les corpers ont fait une haie pour laisser passer un garçon qui n’avait pas plus de douze ans, en chemise violette impeccable, short assorti et afro brillant, qui marchait droit vers moi.

— Je m’appelle Vosiuten, m’a-t-il dit, après qu’un encadrant de l’ONG nous a menés sous un manguier.

Derrière moi, j’ai vu le beau corper accompagné d’un enfant albinos se diriger vers un banc.

— Et j’ai seize ans.

J’allais dire mon prénom, mais son âge m’a fait bafouiller.
— Se… seize ? Qu’est-ce que tu veux dire, seize ?

Il a enchaîné sur une statistique de l’OMS sur la malnutrition, que l’ONG avait sûrement répétée avec lui.
Moi, j’étais déjà ailleurs, à penser au corper. Lui demander son nom, peut-être que ça le rendrait moins mystérieux. Oui, c’était ça. Je pensais à lui parce que je ne savais rien de lui.
Des soldats couraient vers la grille principale. Je me demandais ce qu’il se passait, mais tout le monde continuait à discuter avec son élève sous les arbres, dans les classes vides, un peu partout.

— Tu viens d’où ? me demanda Vosiuten.

— J-j-je viens de Lagos. Je suis Nigériane, mais ma mère est Camerounaise. Et toi ?

— Moi je viens d’Atta. C’est là où je suis né. Mes parents sont de Takum.

Je me souvenais d’avoir vu Takum sur la carte en préparant mon départ, mais pas Atta.

— C’est pas au Cameroun, ça ? T’es pas Nigérian ?

Il a ri et haussé les épaules.
— Moi, je ne sais pas ça oh. Le même igname qu’on cultive à Takum, c’est celui d’Atta.

Avant que je puisse continuer, un membre de l’ONG est venu me remercier et a emmené Vosiuten vers les autres, qui montaient dans un grand bus vert.
J’ai couru vers le beau corper et lui ai demandé :
— Pardon, tu sais d’où viennent ces enfants ?

— Je crois qu’ils l’ont tous dit quand ils se sont présentés, m’a-t-il répondu avec un petit sourire. Je me souviens pas de tous.

Sa voix était plus douce que je ne l’imaginais. Elle m’a obligée à le regarder autrement.
— Je m’appelle Christopher. Je crois qu’on est dans le même peloton.

Il m’a serré la main et j’ai présenté mes excuses pour mon impolitesse. Je lui ai expliqué que je savais que les enfants venaient de lycées du Taraba, mais que le mien m’avait dit être né au Cameroun, et je voulais en savoir plus.

Christopher en avait appris bien plus que moi. Certains enfants, on pouvait les appeler Camerounais, d’autres Nigérians, mais pour eux, ces frontières ne voulaient rien dire. Il y avait même des villages qui s’étendaient de part et d’autre de la ligne imaginaire. L’anglais et le kutep se parlaient des deux côtés. En temps de crise, les gens passaient simplement d’un côté à l’autre.

— Si tu décides de faire ton année à Taraba, m’a-t-il dit alors que le soleil se couchait, tu seras probablement envoyée enseigner dans un lycée. Et plus de la moitié de tes élèves seront des réfugiés. Pour eux, les pays, ça ne veut rien dire comme ça.

Je l’ai remercié et je suis allée au marché Mammy, acheter à manger. Je pensais à la question de Vosiuten : est-ce que je venais vraiment de Lagos ? Mes amies préféraient toujours aller au restaurant ou m’inviter chez elles. D’après elles, je ne mettais jamais assez de piment et je mettais des légumes dans tout.
— Même dans ta sauce aux œufs, tu rajoutes des épinards ! riait Tunji, la dernière fois qu’il avait goûté à ma cuisine. Tu cuisines comme une fille du Calabar.

Le Calabar n’était pas loin du Cameroun. Ma mère m’avait élevée à base de poisson et de légumes. Mon père avait accepté que je vive avec elle, à condition que je sois scolarisée au Nigeria et qu’il choisisse ma nounou — une anglophone.

Résultat : je ne pouvais pas jouer avec les enfants de Yaoundé. Je ne pouvais rien faire pour ma mère.
Quand j’ai voulu prendre des cours de français au secondaire, mon père me disait que c’était une perte de temps :
— L’anglais peut t’emmener au Royaume-Uni, en Europe, en Amérique, même en Australie. Mais le français, il va t’emmener où ? Même ta mère, née dans le français, a dû apprendre l’anglais. Tu vas regarder la Tour Eiffel et t’en lasser. Et elle ne te donnera pas un boulot.

Alors, je venais d’où ? Et surtout : qu’est-ce que j’allais faire de ma vie après le Service ?

— Madame, m’a appelée la vendeuse de nourriture. On ferme, oh. Alerte sécurité.

— Quelle alerte sécurité ? ai-je demandé, le cœur battant, en voyant les autres stands plier bagage. Elle ne m’a pas entendue. Elle a débarrassé le riz et la sauce qui avaient refroidi dans mon assiette.
Je me suis levée et j’ai attrapé le bras d’un corper en uniforme blanc qui courait, un drapeau nigérian à la main.

— Qu’est-ce qu’il se passe ?

— Boko Haram.

Je leur ai dit que je les aimais fort, que j’étais chanceuse qu’ils se soient rencontrés, malgré la frontière Nigéria-Cameroun, malgré la barrière du français et de l’anglais, malgré toutes les choses que les hommes et les femmes ne comprendront jamais les uns des autres.

Mon cerveau s’est mis à siffler dans mes oreilles. J’ai couru jusqu’au dortoir des filles : mes colocataires étaient déjà là. Certaines priaient, d’autres appelaient au téléphone, d’autres encore s’étaient glissées sous les lits.
Ma mère avait raison. Je n’aurais jamais dû venir ici.

Je l’ai appelée sur FaceTime, mais le réseau ne passait pas. J’ai essayé trois fois. Puis j’ai appelé le numéro fixe du bureau de mon père. Même pas une sonnerie.
Alors j’ai laissé un message vocal dans le groupe WhatsApp que j’avais créé pour nous trois — même s’ils détestaient l’idée d’être dans le même espace, même virtuel.
Je leur ai dit que je les aimais fort, que j’étais chanceuse qu’ils se soient rencontrés, malgré la frontière Nigéria-Cameroun, malgré la barrière du français et de l’anglais, malgré toutes les choses que les hommes et les femmes ne comprendront jamais les uns des autres.
Je leur ai dit que j’étais profondément reconnaissante de leur amour. Et que maman avait raison à propos de Tunji — qu’il ne devait même pas approcher mon enterrement.

J’ai senti une légèreté me traverser en appuyant sur “envoyer”. Ma vie a défilé devant moi : le grand rire de mon père, ses marques tribales, les talons hauts de ma mère résonnant sur le carrelage de son bureau, leur photo ensemble à ma remise de diplôme, la seule depuis ma naissance.
C’étaient de bonnes personnes, au fond. Ils traitaient bien leurs employés, leurs collègues. Ils avaient fait de leur mieux.

Un coup de sifflet a retenti.
— Tous sur le terrain de parade ! a crié la voix du directeur.

Rassurés qu’il ait toujours de l’autorité, on a suivi sa voix dans la fraîcheur du soir. On s’est alignés, peloton par peloton, sans un mot.

Puis enfin, il nous a remerciés d’être là. Il a dit qu’on était une bénédiction. C’est grâce à nous que le gouvernement avait accéléré la construction du camp. Nous étions les premiers corps à y être logés.
Il savait qu’on avait entendu des rumeurs, mais il voulait qu’on sache que nous étions en sécurité.

— Si on est en sécurité, hurla quelqu’un, alors où est le commandant ? Pourquoi personne ne l’a vu aujourd’hui ?

Le directeur du camp a baissé les yeux. Un frisson a traversé les rangs.

— Cafards noirs ! hurla une voix lointaine, assez fort pour me faire transpirer.

Est-ce que j’étais la seule à avoir entendu ?

— CAFARDS NOIRS !

— OUI MON COMMANDANT ! avons-nous crié.

Le commandant est arrivé au centre de notre U, a repris la parole, et nous a regardés, un par un.
Je n’aurais jamais cru remercier Dieu d’entendre sa voix.

— Il y a eu une attaque à la frontière, à Borno. Mais les ennemis ont été vaincus. Demain, beaucoup d’entre vous demanderont leur réaffectation. Je respecte cela. Je comprends.
Mais ceux qui choisissent de rester seront protégés par des membres de la Peace Corps. Vous serez affectés à des écoles où vous enseignerez à des enfants courageux — certains ont franchi des lignes ennemies depuis les camps de réfugiés pour revenir ici et recevoir un peu d’éducation. Une chance pour une vie meilleure. Le directeur du camp va continuer.

Ma tête tournait.
Pour la première fois depuis mon arrivée, je n’avais plus peur.
Et si je ne rentrais pas à Lagos ? Et si je restais ici, et que je prenais le temps de comprendre ce que je voulais faire de ma vie ?
La vie coûtait moins cher ici. Mes parents m’enverraient plus facilement de l’argent si je n’étais pas sous leur toit. Je suis enfant unique, ne me jugez pas.
Je pourrais trouver un endroit sympa à Jalingo, la capitale, avec plus de sécurité. Ou être affectée à une petite ville. Revoir Vosiuten peut-être.
Je vais y réfléchir. Pas de décisions hâtives.— Tu as froid, dit Christopher derrière moi. Tu veux partager ma couverture ?
J’ai hoché la tête, souri.
Il a drapé sa grosse couverture sur mes épaules. Je me suis blottie contre lui.
Un an ici, finalement, ce ne serait peut-être pas si terrible.

Aidez-nous à vous raconter le monde

Frictions lance son club : en soutenant Frictions, vous faites vivre une communauté d’auteurs et de journalistes qui racontent le monde par l’intime !

Nous soutenir

Explorer

Fiction 18 min.

Olympic Man

L’idée, c’est ça : on désignerait un homme ou une femme quelconque dans la population civile, pour participer à toutes les épreuves, en compétition avec les athlètes, dans toutes les disciplines.

écouter
*Mini-série / Fiction 66 min.

Nos destins sont liés

Rêver sa vie ou vivre ses rêves ? Salem, Lisa, Ronnie, Matthieu et Lisa ou les destins croisés de la jeunesse du Grand Paris

écouter
Fiction 13 min.

Le jour où tu es devenu mon père

De retour au pays, après treize ans d'absence, un père rencontre son fils pour la première fois.

écouter